FROM AFAR
le nouvel album électro-rock incarné, lucide et indocile de Katcross
Je vais être cash : From Afar n’est pas un album que j’écoute distraitement. C’est un disque qui me demande d’être là, vraiment. Casque sur les oreilles, corps disponible, cerveau ouvert. Katcross signe ici un album dense, habité, né dans une période sombre mais traversé d’éclats lumineux. Et c’est précisément ce contraste qui m’a touché.
Katcross, c’est Kat (Catherine Cros) et Mat (Mathieu Blanc). Deux trajectoires singulières, deux sensibilités qui se frottent depuis des années pour créer une électro-rock organique, pensée pour le live, pour le mouvement, pour la transe autant que pour la réflexion. From Afar arrive comme une étape clé de leur parcours : un disque de résilience, de réaffirmation, et surtout de liberté.
Un album né dans la turbulence
From Afar s’est construit dans un contexte chaotique : pandémie, tournées annulées, isolement, et un grave épisode de santé pour Kat. Autant dire que le disque ne part pas d’un terrain confortable. Et pourtant, il ne s’enferme jamais dans la plainte. Au contraire, il transforme l’épreuve en matière sonore.
Ce que j’entends ici, c’est une musique qui avance malgré tout. Des beats tendus, des synthés vintage qui respirent, une guitare qui griffe quand il faut, et cette voix, toujours juste, jamais surplombante. Katcross ne surjoue rien. Tout est à hauteur d’humain·e.
Des morceaux qui racontent, qui résistent
Dès les premières écoutes, certains titres s’imposent naturellement.
« Unaware », premier single, donne le ton : hypnotique, nerveux, presque cinématographique. Le morceau joue sur la répétition, le mouvement empêché puis libéré, et devient un manifeste esthétique autant que politique.
« Operator », « Dream Catcher » ou « One Shot » poursuivent cette dynamique : des morceaux taillés pour le live, qui convoquent autant la culture dancefloor que l’héritage post-rock et trip hop. On pense parfois à Bristol, parfois à l’électro new-yorkaise, mais Katcross ne copie jamais : iels digèrent, iels transforment.
Ce que j’aime particulièrement, c’est le soin porté aux textes. Ici, pas de mots posés au hasard. Chaque phrase semble pesée, habitée, avec cette capacité rare à dire beaucoup sans être démonstratif·ve.
Katcross : une musique incarnée, vraiment
Impossible pour moi de parler de From Afar sans évoquer l’incarnation totale de Kat dans ce projet. Organiste de formation, passée par le classique, le jazz, puis les machines, Kat a toujours pensé la musique comme un espace de liberté et de partage. En tant que femme paraplégique, elle refuse toute assignation. Elle ne fait pas de la « musique de ». Elle fait de la musique, point.
Et ça s’entend. From Afar n’est jamais une démonstration technologique froide. C’est une musique charnelle, vivante, profondément humaine. Une électro-rock de guérilla, indépendante, qui se fabrique hors des cadres dominants et qui assume pleinement cette position.
Mat, de son côté, apporte une énergie brute, héritée du garage, du rock expérimental, et de la synthèse modulaire.
Ensemble, iels forment un duo soudé, indissociable, où chaque son semble dialoguer avec l’autre.
De loin… mais au plus près
Le titre From Afar est presque un pied de nez. Car cet album, je le ressens au contraire très proche. Proche des corps, des luttes, des fragilités, des désirs de continuer. C’est un disque qui ne cherche pas à plaire à tout prix, mais qui propose une expérience sincère, intense, parfois inconfortable, souvent jouissive.
Sur scène, je ne doute pas une seconde que ces morceaux prennent encore une autre dimension. Katcross a toujours pensé sa musique comme une matière à transformer en live, à malaxer, à rendre incandescente.
Si tu aimes les projets qui refusent les étiquettes, qui pensent la musique comme un espace politique au sens noble, et qui te prennent par la main sans jamais te la serrer trop fort, alors From Afar mérite clairement ton attention.
Moi, je sais déjà qu’il va m’accompagner longtemps.

